Le Crocodile du Botswanga, la France à fric en folie!


Trois ans après Case départ, Lionel Steketee réalise son deuxième film, Le crocodile du Botswanga, toujours avec les deux compères du Jamel Comedy Club, Thomas Ngijol et Fabrice Eboué qui signent à nouveau le scénario. Fort de leur expérience de stand-up, ils réussissent à nouveau une comédie imparable. Après l’esclavage, ils s’attaquent aux dictatures africaines.

Le jeune footballeur Leslie Konda (Ibrahim Koma) veut aller dans le pays de ces ancêtres, le Botswanga. Ses seuls buts, répandre les cendres de sa mère dans son village natale, et tourner une pub de prévention contre le sida. Le voilà, reçu comme un héros national, par le dictateur fou furieux, Bobo Babimbi (Thomas Ngijol). Ce dernier conclut, avec son agent, Didier, un marché pour qu’il convainque Leslie de signer dans l’équipe du Botswanga à la place de l’équipe de France.

La recette qui a fait le succès de Case Départ est reprise, un subtil mélange de vannes, on frappe un peu sur tout le monde, et au milieu, quelques vérités bien senties. Le « crocodile du Bostwanga » est un tyran ridicule, on pense à Bokassa et à son couronnement napoléonien. Mais peu importe qu’il soit tyran ou ridicule, l’attaché de Totelf, contraction évidente de Total et Elf, compte bien faire affaire avec lui. À moins que les Chinois ne lui ravissent le contrat. Nostalgique de l’Algérie française, ce mercenaire de la finance pétrolifère n’a pas d’autre patrie que celle de l’argent, et lorsqu’il perd pied, il accuse les Chinois de colonialisme. Taucard, son nom ne s’invente pas, est joué par Étienne Chicot, dont le discours est malheureusement encore aujourd’hui, celui d’une part de l’électorat pied-noir. Il regrette les accords d’Evian et trouve dans la Françafrique un refuge pour ses valeurs d’un autre temps. Le bras droit (et larbin) de Babimbi, Monsieur Pierre (Franck de Lapersonne) est le « petit blanc » de service, dans une inversion des rôles caustique. Les trois crocodiles de l’autocrate s’appellent Jean-Marie, Marine et Marion. Des prénoms qui sied si bien à ses carnassiers nourris à l’opposant politique. D’ailleurs, Bobo n’est-il pas fier d’avoir fait ses études en Bavière, et ne possède-t-il pas un chat mécanique faisant le salut nazi. Toute ressemblance avec un personne fréquentant de bals néo-nazis est forcément fortuite… Comme quoi, la couleur de peau ne définit pas l’humanité d’une personne !

Le crocodile du Botswanga tape partout, il y en a pour tout le monde : la folie dictatoriale de généraux en carton, l’hypocrisie occidentale, la relative inefficacité des organisations non gouvernementale, les extrémismes de tout horizon… À ce titre, le ridicule du conflit ethnique qui oppose les « vrais botswangais » aux grandes oreilles, révèlent l’ineptie de toute différenciation ethnique des peuples. Poussé à son paroxysme, la paranoïa du dictateur le pousse dans des scènes hilarante, à mesurer régulièrement les oreilles de son fils. En toile de fond, une véritable Leslie Konda, qui a commencé sa trajectoire dans « Sous le soleil » (sic), trouve ici, espérons le pour lui, une passerelle pour lancer sa carrière. Thomas Ngijol, en caricature de lui-même, est burlesque à souhait. Je dirais même qu’il donne une meilleur version du dictateur sanguinaire que Sacha Baron Cohen. Le safari à la mitraillette dans la savane est d’or et déjà culte. Moins forcé, on rit plus volontiers. Enfin, Fabrice Eboué a ce petit truc, dans ces mimiques, qui rend irrésistible son indignation lâche.

Comme son prédécesseur, Le crocodile du Botswanga prouve que l’on peut rire de tout. À partir du moment où l’on se moque de tout le monde avec la même sincérité. Une démarche salutaire quand on prend la température du climat exécrable envers les comiques que certains souhaiteraient plus aseptisés.

Boeringer Rémy

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